samedi 23 février 2013

Du Chlordécone dans les lasagnes ?


Non, pas de panique, dans les bananes


"Je méconnais les règles de la physique médiatique, mais assurément elles existent. Comment expliquer sinon que certaines nouvelles pèsent des tonnes et d’autres moins qu’une plume ? Pourquoi un tel déchaînement des rédactions sur "la crise des lasagnes de cheval" et à peine un bruissement sur le dossier du chlordécone ?
"Chlordé… quoi ?" Chlordécone. Une molécule contenue dans le pesticide pulvérisé sur les plants de banane en Guadeloupe et Martinique des années durant empoisonnant ainsi la terre, un des plus grands scandales environnementaux de ces dernières années qui malgré les efforts inlassables des lanceurs d’alerte, n’a pas encore entraîné de réponse de la part des pouvoirs publics.


Il appartient aux tout premiers insecticides mis sur le marché, comme le DDT ou le lindane. Très vite, leur nocivité est avérée. En 1976, les Etats-Unis l'interdisent et en 1979 l’OMS le déclare "possiblement cancérogène pour l’homme et perturbateur endocrinien". Mais voilà : suite à des cyclones qui causèrent d’importants dégâts pour les bananeraies des Antilles, les planteurs en réclament pour lutter contre le charançon et en 1981, le ministère de l’Agriculture accède à leur demande. La société Laurent de Laguarigue, grosse plantation béké rachète le brevet. La pollution peut continuer. Des études accablantes [PDF] conduisent cependant le gouvernement à en interdire l’utilisation en1990. Mais comme, visiblement la liberté de polluer est inscrite dans la déclaration des droits de l’homme et du béké, les planteurs obtiendront encore deux dérogations pour l’utiliser jusqu’en 1993.. avec des conséquences graves. Entre 1973 et 1993, son utilisation a entraîné la contamination des sols, des récoltes et des nappes phréatiques. La partie de la population qui cultive ses propres légumes n’est pas épargnée, et les expositions persisteront pendant plusieurs siècles. Le fait d’y avoir été exposé est associé à un risque augmenté de cancer de la prostate, cf l'article publié dans la revue Journal of Clinical Oncology. L’Inserm et l’Institut de recherche sur la santé, l’environnement et le travail (Irset) qui a suivi avec le CHU de Pointe-à-Pitre 1 042 femmes et leurs enfants depuis la grossesse a mis évidence "une association significative" entre l’exposition prénatale au chlordécone et une baisse de la mémoire visuelle et de la motricité fine des enfants observés c'est à dire un retard de développement. Quel parent accepterait tranquillement une telle révélation ? 
 
Qu’on me pardonne alors la question mais elle mérite d’être posée tant on a parfois l’impression, que, éloignées des yeux du législateur, Guadeloupe et Martinique sont tenues en lisière des droits les plus élémentaires. Sera-t-il nécessaire pour enfin attirer l’attention de l’opinion et des pouvoirs publics sur la situation environnementale et sanitaire de la Guadeloupe et de la Martinique, de mettre du chlordécone dans les lasagnes ?"

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